Mal de dos et fausses croyances - Image générée par IA

Les 5 fausses croyances les plus répandues sur le mal de dos

Le mal de dos est si fréquent qu’on l’appelle souvent « le mal du siècle ». En France, près de 8 personnes sur 10 en souffriront au moins une fois dans leur vie. Pourtant, même si la douleur lombaire est courante, elle reste très mal comprise. Résultat : des conseils contradictoires, des injonctions culpabilisantes (« il faut te reposer » / « tu dramatises ») et des habitudes qui aggravent parfois la situation.

On va démonter ici les 5 idées reçues les plus répandues sur le mal de dos : le repos prolongé, le port de charges, le rôle du stress, les examens d’imagerie et l’idée que la douleur dorsale serait une fatalité. Pour chaque croyance, on explique pourquoi elle est fausse, ce que disent réellement les recommandations, et ce qu’il faut faire à la place pour protéger son dos et réduire la douleur lombaire au quotidien.

1. « Quand on a mal au dos, il faut se reposer »

Ce qu’on croit

C’est probablement le conseil le plus répandu : « Reste allongé », « Arrête tout », « Ne bouge pas pendant quelques jours ». Beaucoup de personnes pensent que l’immobilité est la meilleure réponse à une lombalgie aiguë ou à un lumbago.

La réalité

C’est faux. Le repos prolongé est l’un des pires réflexes en cas de mal de dos. Les études médicales montrent qu’un arrêt complet du mouvement au-delà de 24 à 48 heures ralentit la guérison, favorise la raideur, affaiblit les muscles qui soutiennent la colonne vertébrale et augmente le risque de récidive. Les recommandations actuelles vont toutes dans le même sens : il faut bouger dès que possible, à son rythme, sans forcer mais sans s’immobiliser.

Pourquoi ? Parce que le dos a besoin de mobilité pour être irrigué, alimenté, entretenu. Le fait de rester allongé trop longtemps provoque au contraire un enraidissement et une perte de confiance (« si je bouge je vais me faire mal »), ce qui entretient la douleur.

Ce qu’il faut faire à la place

  • Reprendre une activité douce comme la marche lente ou la mobilité articulaire légère.
  • Éviter les positions prolongées (même assis). Alternez assis / debout / marche.
  • Respirer profondément et relâcher les épaules pour ne pas contracter la zone lombaire.

Le mouvement adapté est un traitement. Le repos absolu ne l’est pas.

2. « Porter lourd abîme forcément le dos »

Ce qu’on croit

On entend souvent « Ne porte rien, tu vas te détruire le dos » ou « Les charges lourdes provoquent forcément une hernie discale ». Cette peur du port d’objets pèse lourd, sans jeu de mots : certaines personnes n’osent même plus soulever un pack d’eau par crainte de se bloquer les reins.

La réalité

Le problème n’est pas tant de porter une charge : c’est comment on la porte. Le corps humain est conçu pour bouger, soulever, pousser, tirer. Ce qui devient dangereux pour la colonne vertébrale, c’est le combo suivant :

  • se pencher en avant dos rond ;
  • soulever loin du corps, à bout de bras ;
  • tourner le buste en étant chargé ;
  • porter tout d’un seul côté (un gros sac dans une seule main, par exemple).

En clair : ce n’est pas la charge seule qui provoque la douleur lombaire, c’est le mauvais geste.

Les bons réflexes de manutention pour protéger le dos

  • Pliez les genoux plutôt que le dos. Utilisez la force des cuisses et des fessiers, pas uniquement les lombaires.
  • Rapprochez la charge du corps. Plus elle est loin, plus l’effet de levier tire sur le bas du dos.
  • Évitez les torsions. Si vous devez changer d’orientation, tournez tout le corps (bassin + jambes), pas seulement le buste.
  • Répartissez le poids : deux sacs légers plutôt qu’un énorme sac d’un seul côté. Cela limite l’inclinaison latérale de la colonne.
  • Utilisez des aides : chariot de courses, diable pliant, sac à dos ergonomique, poignées de portage réglables.

Résumons : un dos actif et bien sollicité devient un dos solide. C’est l’inactivité prolongée qui rend le dos vulnérable, pas le fait de vivre, porter, bouger.

3. « Le mal de dos, c’est dans la tête »

Ce qu’on croit

On dit parfois à une personne douloureuse : « Tu stresses trop », « Tu somatises », « Tu dramatises », ou pire : « Tu inventes ». Cela laisse entendre que la douleur dorsale ne serait pas “vraie”, mais imaginaire ou psychologique.

La réalité

Le mal de dos est une douleur réelle. Elle peut être mécanique (contracture musculaire, irritation articulaire, surcharge locale), inflammatoire, neurologique (nerf irrité), ou tensionnelle. Ce dernier point est essentiel : oui, le stress chronique et les émotions jouent un rôle dans la douleur du dos. Mais cela ne rend pas la douleur “fausse”. Au contraire, cela prouve que le corps et le mental coopèrent.

Le stress stimule le système nerveux d’alerte, contracte les muscles du haut du dos, verrouille la respiration (diaphragme tendu) et augmente la perception douloureuse. Résultat : plus de crispation, plus de raideur, plus de douleur musculaire dans le dos. L’Inserm rappelle que les facteurs psychosociaux (fatigue, pression au travail, anxiété) peuvent entretenir une lombalgie chronique, mais ils ne “créent pas” la douleur à partir de rien.

Comment agir intelligemment

  • Travailler le relâchement musculaire (étirements doux, automassages, respiration diaphragmatique).
  • Apprendre à mieux gérer la charge mentale : pauses, respiration lente, cohérence cardiaque.
  • Bouger régulièrement pour casser le cycle tension → douleur → re-tension.
  • Si besoin, demander un accompagnement (kinésithérapeute, ostéo, sophrologue, psychologue corporel). Prendre en charge le stress, c’est prendre en charge le dos.

Dire « c’est dans la tête » est faux et culpabilisant. Dire « le stress majore la douleur et je peux agir dessus » est vrai et libérateur.

4. « Une radio ou un scanner suffit à expliquer la douleur »

Ce qu’on croit

Beaucoup pensent qu’en faisant une IRM du dos, un scanner ou une radio, on va enfin “voir le problème”, et donc comprendre d’où vient la douleur. On imagine que l’image est la vérité ultime.

La réalité

Dans la plupart des cas, une imagerie n’est pas utile, et parfois elle est même trompeuse. Les recommandations de la Haute Autorité de Santé sont très claires : on ne demande pas d’IRM pour une lombalgie commune qui dure depuis quelques jours ou quelques semaines, tant qu’il n’y a pas de signe d’alerte (fièvre, perte de force dans une jambe, chute récente sévère, etc.).

Pourquoi ? Parce que les anomalies visibles sont parfois… normales.

  • Beaucoup d’adultes ont des signes de dégénérescence discale à l’IRM (disques un peu “aplatis”), sans douleur.
  • On trouve aussi des her nies discales asymptomatiques, c’est-à-dire parfaitement indolores.

Autrement dit : une image “abîmée” n’est pas forcément une source de douleur, et l’inverse est vrai aussi : on peut avoir très mal sans rien de spectaculaire à l’imagerie.

Ce qu’il faut faire à la place

  • Passer par un examen clinique sérieux : posture, amplitude de mouvement, force musculaire, antécédents.
  • Surveiller les signes qui nécessitent un avis médical rapide : perte de sensibilité, faiblesse marquée d’un membre, traumatisme important, fièvre inexpliquée.
  • Accepter qu’une partie du mal de dos est fonctionnelle (musculaire, posturale, tensionnelle) et ne “s’imprime” pas toujours sur une image.

L’imagerie reste indispensable dans certains cas (suspicion de sciatique sévère, compression nerveuse importante, traumatisme). Mais elle ne doit pas devenir un réflexe automatique dès qu’on a mal aux lombaires.

5. « Le mal de dos est une fatalité »

Ce qu’on croit

“C’est l’âge.” “C’est comme ça dans la famille.” “Tout le monde finit par avoir mal au dos.” Cette idée crée une résignation dangereuse : on finit par penser qu’on ne peut rien faire, donc on ne fait rien… Et la douleur devient chronique.

La réalité

Dans plus de 90 % des cas, la douleur lombaire est bénigne et améliorable. Le dos peut guérir, se renforcer, retrouver de la mobilité. Il n’est pas condamné à souffrir. Les facteurs qui protègent le mieux le dos sont d’ailleurs connus — et atteignables.

Ce qui protège vraiment le dos à long terme

  • L’activité physique régulière : marche, vélo doux, natation, Pilates, yoga. Le mouvement entretient la souplesse et renforce les muscles profonds du tronc (abdominaux profonds, fessiers, lombaires).
  • Une bonne ergonomie au travail : utiliser une chaise de bureau ergonomique avec soutien lombaire, placer l’écran à hauteur des yeux, utiliser un repose-pieds si besoin, faire des pauses actives toutes les 45 minutes.
  • Un sommeil qui respecte le dos : matelas ni trop mou ni trop dur, oreiller adapté à votre position de sommeil, idéalement un bon alignement tête-nuque-colonne.
  • La gestion du stress : respiration profonde, pauses conscientes, relâchement volontaire des épaules et des trapèzes plusieurs fois par jour. Le stress chronique est un carburant pour la tension musculaire.

Le message est clair : la douleur dorsale est fréquente, mais elle n’est pas inévitable. Vous avez des leviers d’action puissants. Le mal de dos n’est pas une identité. Ce n’est pas une condamnation à vie. C’est un signal qui demande une meilleure hygiène posturale, musculaire, émotionnelle.

Résumé : idées reçues vs réalité

Croyance Réalité
Il faut se reposer quand on a mal au dos Le mouvement doux accélère la guérison et réduit le risque de récidive
Porter lourd abîme le dos Porter mal, oui. Porter correctement protège et renforce le dos
Le mal de dos, c’est dans la tête Le stress amplifie la douleur, mais la douleur est bien réelle
Une radio expliquera tout Les images ne disent pas toujours d’où vient la douleur lombaire
Le mal de dos est une fatalité Non : prévention, mouvement, ergonomie et gestion du stress changent tout

Conclusion

La plupart des croyances autour du mal de dos viennent d’une époque où l’on voyait le corps comme une machine fragile. Aujourd’hui, on sait que le dos est fort, adaptable, récupérable — à condition de l’écouter, de le bouger, de le renforcer et de respecter certains principes d’ergonomie au quotidien.

Le repos absolu n’est pas la solution. La peur du mouvement entretient la douleur. L’imagerie n’est pas toujours nécessaire. Et non, vous n’êtes pas condamné à vivre avec une douleur lombaire chronique.

Le dos n’a pas besoin de peur. Il a besoin de mouvement, d’attention et de confiance. C’est ça, le vrai changement de culture.

Sources

  • Haute Autorité de Santé (HAS), « Lombalgie commune de l’adulte – recommandations de pratique clinique », 2021.
  • Inserm, « Douleurs chroniques et facteurs psychosociaux », 2019.
  • INRS, « Prévention des troubles musculo-squelettiques liés au port de charges », 2020.
  • Organisation mondiale de la Santé (OMS), « Prévention des lombalgies au travail », 2022.
  • British Medical Journal (BMJ), « Bed rest versus exercise for low back pain », 2001.